L’estuaire de la Seine, l’invention d’un paysage

Lorsque Raoul Dufy disparaît (1953), le paysage monumental de l’estuaire de la Seine a subi des bouleversements, avec les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Ce sont les photographes qui vont, un peu plus tard dans le XXe siècle, prendre le relai de cette grande tradition artistique commencée au seuil des années 1820.
 
Certains comme Olivier Mériel, né dans cette région en 1955, vont mettre leurs pieds dans les traces de leurs prédécesseurs. Mais Olivier Mériel est peut-être celui dont le travail s’inscrit le plus dans une continuité avec les peintres impressionnistes, par son rapport à la lumière et par les sujets qu’il privilégie. Comme les impressionnistes avant lui, Mériel évoque la qualité de cette lumière particulière, qu’il préfère au printemps ou à l’automne plutôt qu’à l’été. Il a fait le choix d’utiliser la chambre photographique, pourtant très contraignante de manipulation, pour cette pureté de la lumière qu’elle permet d’obtenir. Le noir et blanc également s’est imposé à lui comme le plus apte à restituer les jeux subtils de la lumière. Il tire lui-même à l’atelier ses épreuves par contact sur un papier très riche en argent, viré au platine.

Depuis 35 ans, le photographe n’a cessé d’arpenter la Normandie, du Mont-Saint-Michel à Dieppe, de suivre les berges de la Seine, de s’enfoncer dans la campagne, de s’arrêter dans les villes. La sélection présentée ici témoigne de ses errances, de retrouvailles avec des sites peints, dessinés, gravés par d’autres avant lui, de la distance qu’il peut instaurer avec eux comme cette vue de la cathédrale de Rouen la nuit, avec les boutiques foraines du marché de Noël… clin d’œil malicieux et moderne à Claude Monet et sa fameuse série.

Mais, quel que soit le motif photographié, il propose une vision lumineuse et transfigurée de la réalité et fait, comme les impressionnistes, de la lumière et de son frémissement son véritable sujet.