Pissarro dans les ports

du 27 avril au 29 septembre 2013

Après une dizaine d'années passées à Pontoise, une bourgade encore assez rurale de la région parisienne, Camille Pissarro éprouve le besoin de renouveler son répertoire de motifs. Sur les conseils de son ami Claude Monet, dont le frère vivait à Rouen, l'artiste se rend en 1883 dans la capitale normande.
Pissarro à Rouen, par Hélène Leroi
Camille PISSARRO (1831-1903), La Seine à Rouen, Saint-Sever, 1896, huile sur toile. Paris, musée d’Orsay. © RMN-Grand Palais / Hervé Lewandowski
Camille PISSARRO (1831-1903), La Seine à Rouen, Saint-Sever, 1896, huile sur toile. Paris, musée d’Orsay. © RMN-Grand Palais / Hervé Lewandowski
Lors de ce premier séjour, Pissarro découvre la ville et déambule sur les quais de la Seine, en quête de motifs. Il peint un ensemble assez varié de dix-huit œuvres, ne privilégiant aucun sujet particulier.
Il revient à Rouen douze ans plus tard, en 1895, pour réaliser quelques aquarelles. De retour à Paris, l'artiste découvre à la galerie Durand-Ruel la série des Cathédrales que Claude Monet a peintes à Rouen en 1892 et 1893. Frappé par « l'unité » de ce travail, du type de celle qu'il recherchait depuis longtemps, conscient que « c'est dans son ensemble qu'il faut que ce soit vu », Pissarro décide de se fixer à nouveau à Rouen pour y réaliser lui-même un ensemble cohérent.
 
Camille PISSARRO (1831-1903), Le Pont Boieldieu à Rouen, temps mouillé , 1896, huile sur toile, 73,6 x 91,4 cm. Toronto, musée des beaux-arts de l’Ontario. © Paris, archives Durand-Ruel / Routhier
Camille PISSARRO (1831-1903), Le Pont Boieldieu à Rouen, temps mouillé , 1896, huile sur toile, 73,6 x 91,4 cm. Toronto, musée des beaux-arts de l’Ontario. © Paris, archives Durand-Ruel / Routhier
Contraint par une maladie des yeux à ne peindre qu'en intérieur, l'artiste installe son atelier dans une chambre d'hôtel, sur la rive droite. Encouragé par l'accueil favorable qu'on réserve à ses peintures, il revient une troisième fois en novembre 1896, puis une quatrième durant l'été 1898, changeant à chaque fois d'hôtel, mais restant sur la même rive de la Seine.
Tournant le dos à la vieille cité médiévale, Pissarro est fasciné par le spectacle de l'activité intense de ce port fluvial en pleine mutation. Désireux de montrer les aspects dynamiques de la ville moderne, le peintre privilégie, dans ses peintures comme dans ses estampes, l'activité laborieuse du port. Les ponts Boieldieu et Corneille, les docks, la toute nouvelle gare d'Orléans sur la rive gauche deviennent ses motifs privilégiés.
 
Camille PISSARRO (1831-1903), Quai de la Bourse, Rouen, soleil couchant, 1898, huile sur toile. © Collection Linda Gale Sampson
Camille PISSARRO (1831-1903), Quai de la Bourse, Rouen, soleil couchant, 1898, huile sur toile. © Collection Linda Gale Sampson
Mais l'artiste s'attache surtout à traduire l'atmosphère des lieux et les infinies variations lumineuses, à travers des effets de brume et de brouillard, soleil couchant, de pluie... Les changements incessants de temps le conduisent à mener de front l'exécution de plusieurs tableaux à la fois. « J'ai des effets de brouillard, de brume, de pluie, soleil couchant, temps gris » écrit-il, s'inquiétant parfois « il me manque quelques bonnes séances pour deux soleils couchants, deux brouillards, un soleil et un temps gris le matin... aurai-je ces effets d'ici fin mars ? ».

Au total, ce sont soixante-neuf peintures ainsi qu'une importante série de gravures que Pissarro exécute à Rouen.