Comme une histoire… Le Havre

du 25 novembre 2017 au 18 mars 2018

En un peu moins de 15 ans, le MuMa-Musée d’art moderne André Malraux a constitué une collection de photographies et vidéos de près de 350 numéros. La plupart d’entre elles ont pour sujet Le Havre d’aujourd’hui, celui qui se reconstruit après la guerre et continue de se développer, de se transformer. proposant ainsi un prolongement contemporain au fonds XIXe et aux œuvres de Boudin, Pissarro, Dufy, Marquet qui abordaient eux-mêmes la question de la représentation d’un territoire en mutation.
En cette fin des célébrations des 500 ans de la création du Havre, il paraissait opportun d’interroger le regard que portent depuis 50 ans les photographes (mais aussi les vidéastes) sur cette ville. Alors que Le Havre prête son cadre (son décor), de plus en plus souvent aux tournages de films (Le Havre de Aki Kaurismäki en 2011, 36 Témoins de Lucas Belvaux en 2012,...) participant ainsi de ce changement de perception que l’on constate de cette ville-port, quel rôle a joué la photographie dans cette transformation ?

RETOUR EN ARRIÈRE…

En 2002, le MuMa accueille la grande exposition monographique consacrée à Auguste Perret, conçue par Joseph Abram, Bruno Reichlin et Jean-Louis Cohen, et portée par la Ville du Havre en partenariat avec l’Institut Français d’Architecture.

Peu après, le MuMa redécouvre l’existence d’environ 450 contacts du photographe d’origine hongroise Lucien Hervé, conservés aux Archives municipales et à l’Office de Tourisme. L’histoire de cette présence de Lucien Hervé au Havre est peu à peu éclaircie. Le photographe s’est vu confier en juillet 1956 par la Direction Générale du Tourisme (DGT) une commande visant à reconstituer un fonds d’images destinées à assurer la promotion de cette ville nouvellement reconstruite. Proche de Le Corbusier qu’il va suivre notamment sur les grands chantiers indiens de Chandigarh et Ahmedabad, Lucien Hervé réalise au Havre une campagne photographique sur le centre-ville, avec la maîtrise d’un regard qui s’est déjà confronté à de grandes réalisations urbaines et architecturales du XXe siècle. Trop radicale, dans un contexte de travail de deuil autour de la disparition du Havre ancien qui n’en est qu’à ses débuts, la vision de Lucien Hervé se heurte à une incompréhension et la commande est refusée. Les contacts présentés par l’artiste et les quelques tirages réalisés restent néanmoins dans les dossiers au Havre mais le photographe garde ses négatifs.

En 2002, le MuMa le rencontre. L’artiste accepte d’exhumer de son fonds, contacts et négatifs, et sélectionne 30 prises de vue qui sont tirées, sous sa direction, par Jean-Pierre Haie. Les photographies sont acquises par le MuMa, constituant ainsi le début de la collection du musée. Elles sont présentées en 2003-2004 dans le cadre d’une exposition Le Havre, nouvelles images. Sur les traces de Lucien Hervé aux côtés d’autres artistes (Gabriele Basilico, Jean-Claude Bélégou, Philippe Calandre, Béatrice Dacher, John Davies, Dominique Delaunay, Georges Dupin, Benoit Grimbert, Suzanne Lafont, Pascale Thomas et Yannick Vigouroux).

LES COMMANDES PUBLIQUES

Alors que le centre-ville reconstruit par Auguste Perret est classé au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco, le 15 juillet 2005, le MuMa engage avec l’aide de l’Etat (Délégation aux Arts Plastiques – Centre National des Arts Plastiques) une commande publique photographique sur ce territoire reconstruit.
Cinquante ans après la première commande nationale à Lucien Hervé, il s’agit d’interroger le changement du regard porté sur cette architecture et cet urbanisme de la Reconstruction.

Cinq photographes (Nancy Wilson-Pajic, Véronique Ellena, Charles Decorps, Manuela Marques, Xavier Zimmermann) et un vidéaste (Pierre Creton) viennent entre 2007 et 2009 au Havre et leurs œuvres intègrent, comme l’implique le principe d’une commande publique, les collections du MuMa et du Fonds National d’Art Contemporain qui les dépose au MuMa. L’ensemble est exposé dans une exposition bilan en 2010, intitulée Le Havre, images sur commande.

Entretemps, d’autres œuvres d’artistes venus au Havre, spontanément ou invités à développer un projet personnel (Olivier Mériel et Corinne Mercadier en 2005, Matthias Koch en 2009), ou à participer à des projets collectifs (exposition Voyages pittoresques. 1820 - 2009 portée par les trois musées de Rouen, Caen et Le Havre en 2009, avec des invitations à Rut Blees Luxemburg et Vicenzo Castella), rejoignent les collections du musée.
Le MuMa complète à cette occasion son fonds avec quatre œuvres déjà historiques du photographe italien Gabriele Basilico, appartenant à la commande passée par la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale), entre 1984 et 1986, à 29 autres artistes, pour dresser un portrait collectif du paysage français.

ENRICHISSEMENT DU FONDS

Après 2010, le MuMa reste attentif aux projets individuels de photographes, comme ceux de Sabine Meier (2014), Bernard Plossu (2015-2016) ou de Jacqueline Salmon (2016). Des œuvres sont acquises, mais les artistes eux-mêmes contribuent très généreusement à l’enrichissement des collections en donnant des œuvres au musée.
C’est également à partir de ce moment que les vidéos intègrent les collections. A la faveur de l’opération « Le Havre / New York - Regards croisés », portée entre 2011 et 2013 par la Ville du Havre et l’Institut Français en partenariat avec Triangle Arts Association et les services culturels de l’ambassade de France aux Etats-Unis, deux vidéastes américaines sont accueillies en résidence au Havre. Dana Levy (Dead World Order, 2012) et Gabriela Vainsencher (Reconstruction, 2013) réalisent chacune un film court, sorte de fictions qui puisent leur matière dans l’histoire du Havre et de sa mémoire.

Alors que le MuMa lance sa première saison vidéo « MuMaBox » en 2010 avec l’objectif de présenter l’actualité de la vidéo et du cinéma expérimental, mais aussi des pièces qui appartiennent déjà au répertoire historique, il enrichit progressivement cet embryon de collection. Après Dana Levy et Gabriela Vainsencher, c’est au tour de Sylvestre Meinzer et tout dernièrement, de Christophe Guérin, programmateur de MuMaBox, d’intégrer ce fonds.

Aujourd’hui, grâce au soutien du FRAM (Fonds Régional d’Acquisition des Musées) Normandie pour les acquisitions et du CNAP (Centre National des Arts Plastiques) pour la commande publique, le MuMa a créé un fonds tout à fait original d’environ 350 photos et vidéos embrassant près de 50 ans de l’histoire d’un paysage urbain.