À Paris, le Salon des Indépendants présente l’œuvre de Matisse, Luxe, calme et volupté en mars 1905. Inspiré des Baigneuses de Cézanne, ce chef-d’œuvre est considéré comme fondateur du Fauvisme. Pour Dufy, c’est une révélation : « Devant ce tableau […], j’ai compris toutes les nouvelles raisons de peindre et le réalisme impressionniste perdit pour moi son charme à la contemplation du miracle de l’imagination introduite dans le dessin et la couleur. Je compris tout de suite la nouvelle mécanique picturale. » En octobre de la même année, Berthe Weill réunit dans sa galerie parisienne des œuvres de Camoin, Derain, Manguin, Marquet, Matisse, Vlaminck… et Dufy qui, malmené par les humeurs du chef de file du mouvement qu’est Matisse, sera finalement présenté dans une salle à part, bénéficiant ainsi d’une exposition particulière aux côtés des Fauves historiques.
 
À cette époque, Dufy fait plusieurs séjours sur la côte méditerranéenne, notamment à Martigues, et revient régulièrement dans sa ville natale. Il peint Le Yacht pavoisé au Havre (vers 1904-1905), sujet qu’il déclinera notamment l’année suivante avec Le Yacht anglais, et qui marque le début d’une série d’œuvres à la palette plus vive réalisées dans ce nouveau style auquel il s’exerce de 1905 à 1907. Il s’empare des motifs des drapeaux, pavois et bannières, qui deviennent les éléments constitutifs de ses tableaux dans une maîtrise éclatante de la couleur.
 
Dufy pousse son fauvisme aussi loin qu’il lui est possible et entraîne son ami Marquet au Havre à l’été 1906. Du haut de leurs chambres de l’hôtel du Ruban bleu ou du balcon du Café du Nord, ils vont peindre le port, les rues pavoisées au 14 juillet, la fête, les bateaux à quai dans le port et la plage avec son estacade, si prisée déjà par le grand Monet. Côte à côte, chevalet contre chevalet, les deux amis ont en commun une fascination pour le monde de la mer qu’ils peignent également ensemble à Fécamp, Dieppe, Trouville et Honfleur.
 
Le ciel et la mer sont salués par un chromatisme vif et changeant. Dufy fait virevolter sa touche et adopte une palette d’une plus grande richesse. Il dessine à coup de couleurs, soulignant de rouge une épaule, de rose ou de mauve une fenêtre, appliquant du vert ou du bleu sur les murs des maisons et le flanc des bateaux dans le port. Dans ses scènes du 14 juillet, les drapeaux nationaux se font bleu, vert, rouge, et laissent entrevoir en flottant au vent la multitude des badauds dans une ode au mouvement de la vie.

FOCUS ŒUVRE __ 
Alors que la peinture de Marquet est empreinte d’une forme de silence, celle de Dufy est profondément chargée de la présence humaine. Il peint volontiers la foule qui se rassemble dans les rues ou sur la plage. Ses bords de mer sont peuplés d’hommes avec leurs canotiers, de femmes avec leurs ombrelles, de pêcheurs à la ligne, autant d’attributs qui ponctuent ses toiles de formes circulaires et de lignes traversantes, à l’image du spectacle de la vie qu’il observe et dont il s’émeut. Avec La Baignade (1906), il organise sa composition à la manière d’un chef d’orchestre, coordonnant le mouvement des baigneurs qui avancent sur les galets, grimpent, plongent et nagent, dans un ballet animé dont il restitue l’énergie avec virtuosité.
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Texte d’Olivier Gaulon, d’après les textes d’Annette Haudiquet, de Sophie Krebs, de Nadia Chalbi, ainsi que d’extraits de presse de l’époque.
 

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