Louis-Philippe CREPIN, Le Havre vu de la mer

Dans ce tableau, exposé au Salon de 1824, Crépin a représenté l’activité et la diversité des embarcations évoluant aux abords d’un grand port. Un brick fait voile vers l’entrée du port tandis qu’un trois-mâts, guidé hors de la passe par ds lamaneurs, s’apprête à en sortir. La forme évasée de la proue du trois-mâts prouve qu’il s’agit d’un navire de commerce pour lesquels ont été privilégiés la stabilité et le tonnage.
Louis-Philippe CREPIN (1772-1851), Le Havre vu de la mer, huile sur toile, 145 x 253 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Louis-Philippe CREPIN (1772-1851), Le Havre vu de la mer, huile sur toile, 145 x 253 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
Ce très beau navire pourrait être le « Jupiter », construit au Havre en 1824 par le chantier Fouache. Sur la rade naviguent également des navires de pêche, un paquebot, un vaisseau de guerre au loin, et jusqu’à un transport de passagers à vapeur. Quatre ans plus tôt, un service un vapeur assurant la liaison Honfleur-Le Havre avait été créé. Cette initiative était due au consul des Etats-Unis au Havre, les Français restant très dubitatif quant au devenir de la vapeur. En dépit de ses nombreux inconvénients, à une époque où elle était encore mal maîtrisée, la propulsion à vapeur apporte beaucoup d’avantages, au nombre desquels rapidité et régularité. Selon Stendhal, la traversée Le Havre-Honfleur se faisait en « cinq quarts d’heure ».

La vapeur permet aussi de remonter les fleuves, opération jusqu’alors difficile et lente. Le premier service régulier de vapeur entre Le Havre et Rouen est créé en 1821, puis entre Le Havre, Rouen et Paris en 1828. Une plus grande maîtrise des éléments, et donc du temps, signifie une appréhension différente de l'espace. En 1827, Chateaubriand constatait : « On part l'hiver en sortant de l'opéra ; on touche aux îles Canaries, à Rio-Janeiro, aux Philippines, à la Chine, aux Indes, au cap de Bonne-Espérance, et l'on est revenu chez soi pour l'ouverture de la chasse ».

L’abondance de navires représentés par Crépin ne doit toutefois pas faire illusion. Cette même année 1824, sur plus de trois mille cinq cents navires entrés au Havre, seuls vingt-six jaugeaient plus de quatre cents tonneaux.

Selon un procédé typique des peintres néerlandais du XVIIe siècle, l’artiste plonge le premier plan dans l’ombre et, grâce à un habile coup de lumière, il met la ville en valeur, à l’arrière- plan. On distingue l’entrée du port et la tour François Ier, les anciens quartiers Saint-François et Notre-Dame, le quartier du Perray, à l’extérieur des fortifications, les nouvelles fortifications-digues, le territoire d’Ingouville et le cap de la Hève avec ses deux phares.

Elève de Joseph Vernet et d’Hubert Robert, Louis-Philippe Crépin s’engage comme matelot pendant la Révolution. Il inaugure ainsi une tradition de peintres gabiers, tradition à laquelle appartiendront également Gudin, Manet et Gauguin. Sous l’Empire, puis sous la Restauration, Crépin s’impose comme l’un des principaux peintres de marines, et comme le meilleur héritier de Vernet. En 1830, il sera le premier, avec Gudin, à recevoir le titre officiel de peintre de la marine.
Billet de blog du vendredi 22 avril 2016

Ajouter un commentaire

   * Champs obligatoires