Restitution d'une œuvre disparue
Une œuvre importante du patrimoine français, avérée disparue depuis 1950, a été restituée au Centre national des arts plastiques (Cnap) par le groupe Bayer. La Plaine, Cassis-sur-mer, paysage peint en 1913 par le peintre fauve Henri Manguin, a réintégré cette collection exceptionnelle constituée par l’État qui compte près de 108 000 œuvres, et a été déposée au MuMa.
Une destination naturelle pour cette œuvre d’Henri Manguin tant les côtes normandes ont inspiré les peintres fauves avant même celles de la Méditerranée. Au sein du nouveau parcours des collections, elle rejoindra les paysages provençaux d’Albert Marquet, d’Othon Friesz ou de Charles Camoin, exposées au niveau de la mezzanine du musée.
Une destination naturelle pour cette œuvre d’Henri Manguin tant les côtes normandes ont inspiré les peintres fauves avant même celles de la Méditerranée. Au sein du nouveau parcours des collections, elle rejoindra les paysages provençaux d’Albert Marquet, d’Othon Friesz ou de Charles Camoin, exposées au niveau de la mezzanine du musée.
Une œuvre à l’histoire singulière
L’histoire de ce paysage de Provence, région chère au peintre Henri Manguin, était en partie méconnue jusqu’à sa réapparition en 2024. Le Cnap a pu, grâce au soutien de Bayer, en retracer quelques jalons.
Peint en 1913, ce paysage est acheté trois ans plus tard par l’État français, qui avait déjà acquis auprès de l’artiste cinq toiles – des copies d’après les maîtres – à la fin du XIXe siècle. Après le scandale du Salon d’Automne de 1905 qui a constitué l’acte de naissance de la nébuleuse fauve, Henri Manguin bénéficie d’une certaine notoriété : il reçoit le soutien de nombreux collectionneurs et galeristes, comme Ambroise Vollard ou Eugène Druet, et participe fréquemment aux différents salons artistiques, en France et à l’étranger. C’est à l’occasion de l’édition de la Triennale de 1916 que l’œuvre est acquise par l’État français auprès du galeriste Druet, célèbre pour son travail photographique avec Rodin, avant d’être déposée au ministère des Affaires étrangères.
Trente ans plus tard, la disparition de La Plaine, Cassis-sur-mer est constatée à l’occasion d’un récolement des dépôts de l’État au ministère des Affaires étrangères, dont le bâtiment a été occupé entre 1940 et 1944 par l’armée allemande. Jusqu’en 2024, la suite de l’histoire de La Plaine, Cassis-sur -mer est restée méconnue – et ce malgré des recherches du Cnap. Les informations transmises par le groupe Bayer, qui avait fait l’acquisition de l’œuvre au début des années 1950, ont permis de recoudre les fils de l’histoire : La Plaine aurait été conservée un temps par l’Association artistique de Rhénanie et de Westphalie (Kunstverein fur Rheinlande und Westfalen), avant d’être acquise par Bayer et intégrée à sa collection. Consacrée à la présentation et à la diffusion de l’art contemporain, la Kunstverein organisait des expositions d’artistes vivants en Allemagne et à l’étranger. Après-guerre, elle a été dirigée par l’historien de l’art et marchand allemand Hildebrand Gurlitt, impliqué dans de nombreuses spoliations d’œuvres d’art par les Nazis, laissant ainsi penser que La Plaine aurait été emportée en Allemagne durant l’Occupation.
Plus de soixante-dix ans après que sa disparition ait été avérée, l’œuvre est réapparue dans la perspective d’une vente confiée à Sotheby’s Cologne. Des recherches ont permis à Bayer et à Sotheby’s de la rattacher à la collection du Cnap. Souhaitant restituer l’œuvre à l’État français, Bayer a contacté le Cnap qui a pu rapidement confirmer l’identification de l’œuvre de manière certaine. Soucieux de présenter l’œuvre au public, l’établissement public a proposé l’œuvre en dépôt au MuMa.
Après plus de quatre-vingts ans d’absence, le Cnap, Bayer et le MuMa sont très heureux de pouvoir retracer le cheminement de cette œuvre importante et de lui redonner la visibilité qu’elle mérite.
Peint en 1913, ce paysage est acheté trois ans plus tard par l’État français, qui avait déjà acquis auprès de l’artiste cinq toiles – des copies d’après les maîtres – à la fin du XIXe siècle. Après le scandale du Salon d’Automne de 1905 qui a constitué l’acte de naissance de la nébuleuse fauve, Henri Manguin bénéficie d’une certaine notoriété : il reçoit le soutien de nombreux collectionneurs et galeristes, comme Ambroise Vollard ou Eugène Druet, et participe fréquemment aux différents salons artistiques, en France et à l’étranger. C’est à l’occasion de l’édition de la Triennale de 1916 que l’œuvre est acquise par l’État français auprès du galeriste Druet, célèbre pour son travail photographique avec Rodin, avant d’être déposée au ministère des Affaires étrangères.
Trente ans plus tard, la disparition de La Plaine, Cassis-sur-mer est constatée à l’occasion d’un récolement des dépôts de l’État au ministère des Affaires étrangères, dont le bâtiment a été occupé entre 1940 et 1944 par l’armée allemande. Jusqu’en 2024, la suite de l’histoire de La Plaine, Cassis-sur -mer est restée méconnue – et ce malgré des recherches du Cnap. Les informations transmises par le groupe Bayer, qui avait fait l’acquisition de l’œuvre au début des années 1950, ont permis de recoudre les fils de l’histoire : La Plaine aurait été conservée un temps par l’Association artistique de Rhénanie et de Westphalie (Kunstverein fur Rheinlande und Westfalen), avant d’être acquise par Bayer et intégrée à sa collection. Consacrée à la présentation et à la diffusion de l’art contemporain, la Kunstverein organisait des expositions d’artistes vivants en Allemagne et à l’étranger. Après-guerre, elle a été dirigée par l’historien de l’art et marchand allemand Hildebrand Gurlitt, impliqué dans de nombreuses spoliations d’œuvres d’art par les Nazis, laissant ainsi penser que La Plaine aurait été emportée en Allemagne durant l’Occupation.
Plus de soixante-dix ans après que sa disparition ait été avérée, l’œuvre est réapparue dans la perspective d’une vente confiée à Sotheby’s Cologne. Des recherches ont permis à Bayer et à Sotheby’s de la rattacher à la collection du Cnap. Souhaitant restituer l’œuvre à l’État français, Bayer a contacté le Cnap qui a pu rapidement confirmer l’identification de l’œuvre de manière certaine. Soucieux de présenter l’œuvre au public, l’établissement public a proposé l’œuvre en dépôt au MuMa.
Après plus de quatre-vingts ans d’absence, le Cnap, Bayer et le MuMa sont très heureux de pouvoir retracer le cheminement de cette œuvre importante et de lui redonner la visibilité qu’elle mérite.
Henri Manguin, le Havre et la Méditerranée
Albert Marquet, Henri Matisse, Henri Manguin… autant de peintres – proches et compagnons de travail – qui voyagèrent sur les côtes normandes et/ou sur les côtes méditerranéennes dans le sillage des impressionnistes.
Soucieux de retranscrire en peinture les atmosphères changeantes des paysages normands, Henri Manguin voyage ainsi dès 1903 à Fécamp en compagnie d’Albert Marquet. C’est toutefois la Méditerranée et sa lumière éclatante qui reçoit le plus son attention. Il s’y rend dès 1904, louant la villa La Ramade à Saint-Tropez qu’occupait quelques jours avant lui Matisse. Après le Salon d’Automne de 1905, les voyages se multiplient et inspirent de nombreuses peintures, paysages ou baigneuses, aux couleurs franches et contrastées, comme la Baigneuse aussi appelée Baigneuse à Cavalière de 1906 (FNAC 16148), conservée dans la collection du Cnap et déposée au musée de l’Annonciade à Saint-Tropez.
Dès 1905, Manguin expose à la Société des amis des arts du Havre, qui a été l’une des premières à s’ouvrir aux tendances de l’art moderne. L’exposition se distingue par une participation massive de jeunes artistes havrais tels que Raoul Dufy et Othon Friesz, mais aussi de nouveaux venus tels que Charles Camoin, Albert Marquet ou Henri Manguin. En 1906, dans l’Orangerie de l’Hôtel-de-ville du Havre s’ouvre la première exposition du Cercle de l’art moderne. Manguin qui est proche du peintre Othon Friesz membre du comité d’organisation du cercle, y expose chaque année jusqu’en 1909 et remporte de grands succès auprès des collectionneurs havrais.
La Plaine, peinture au chromatisme moins marqué que les œuvres de la période fauve, témoigne quant à elle de l’évolution du travail d’Henri Manguin, qui, huit ans après le Salon fauve, livre une vision plus apaisée des paysages méditerranéens. De 1912 à 1914, il passe ses étés à Cassis, ce village de pêcheurs célèbre pour ses falaises abruptes, couvertes de maquis, descendant vers les calanques.
Manguin exécute ce paysage lors d’un séjour en famille à la villa Villecroze pendant l’été 1913. L’artiste travaille à de grands paysages dans l’arrière-pays vallonné. Les arbres et buissons verdoyants sont ponctués par les toits de terre cuite des fermes tandis que les chemins sablonneux mènent au pont à arcades qui se dessine dans le lointain. Manguin esquisse alors une première étude de ce paysage, de dimensions réduites, par la suite acquise par les collectionneurs suisses Hedy et Arthur Hahnloser.
Au MuMa, ce paysage provençal voisine désormais avec ceux de ses compagnons de peinture, Marquet, Camoin ou encore Othon Friesz. Ces amis « fauves », auxquels il faut notamment ajouter Kees Van Dongen, ne cèdent pas aux sirènes du cubisme et vont trouver leur propre voie dans le paysage.
Soucieux de retranscrire en peinture les atmosphères changeantes des paysages normands, Henri Manguin voyage ainsi dès 1903 à Fécamp en compagnie d’Albert Marquet. C’est toutefois la Méditerranée et sa lumière éclatante qui reçoit le plus son attention. Il s’y rend dès 1904, louant la villa La Ramade à Saint-Tropez qu’occupait quelques jours avant lui Matisse. Après le Salon d’Automne de 1905, les voyages se multiplient et inspirent de nombreuses peintures, paysages ou baigneuses, aux couleurs franches et contrastées, comme la Baigneuse aussi appelée Baigneuse à Cavalière de 1906 (FNAC 16148), conservée dans la collection du Cnap et déposée au musée de l’Annonciade à Saint-Tropez.
Dès 1905, Manguin expose à la Société des amis des arts du Havre, qui a été l’une des premières à s’ouvrir aux tendances de l’art moderne. L’exposition se distingue par une participation massive de jeunes artistes havrais tels que Raoul Dufy et Othon Friesz, mais aussi de nouveaux venus tels que Charles Camoin, Albert Marquet ou Henri Manguin. En 1906, dans l’Orangerie de l’Hôtel-de-ville du Havre s’ouvre la première exposition du Cercle de l’art moderne. Manguin qui est proche du peintre Othon Friesz membre du comité d’organisation du cercle, y expose chaque année jusqu’en 1909 et remporte de grands succès auprès des collectionneurs havrais.
La Plaine, peinture au chromatisme moins marqué que les œuvres de la période fauve, témoigne quant à elle de l’évolution du travail d’Henri Manguin, qui, huit ans après le Salon fauve, livre une vision plus apaisée des paysages méditerranéens. De 1912 à 1914, il passe ses étés à Cassis, ce village de pêcheurs célèbre pour ses falaises abruptes, couvertes de maquis, descendant vers les calanques.
Manguin exécute ce paysage lors d’un séjour en famille à la villa Villecroze pendant l’été 1913. L’artiste travaille à de grands paysages dans l’arrière-pays vallonné. Les arbres et buissons verdoyants sont ponctués par les toits de terre cuite des fermes tandis que les chemins sablonneux mènent au pont à arcades qui se dessine dans le lointain. Manguin esquisse alors une première étude de ce paysage, de dimensions réduites, par la suite acquise par les collectionneurs suisses Hedy et Arthur Hahnloser.
Au MuMa, ce paysage provençal voisine désormais avec ceux de ses compagnons de peinture, Marquet, Camoin ou encore Othon Friesz. Ces amis « fauves », auxquels il faut notamment ajouter Kees Van Dongen, ne cèdent pas aux sirènes du cubisme et vont trouver leur propre voie dans le paysage.
Billet de blog du December 11, 2024
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